Un prophète est nécessairement en décalage avec son temps

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Homélie pour le 12ème Dimanche du Temps ordinaire

Dimanche 25 juin 2023

L’Église n’est ni d’arrière garde ni d’avant-garde. Elle est d’éternité. Elle est de toujours.

Dans notre église se trouve quelqu’un qui a l’air soucieux. Peut-être est-il en train de méditer. Peut-être aussi est-il éprouvé par sa mission, qui est si difficile…

Il s’agit du prophète Jérémie, représenté sur le vitrail au fond de l’église, au-dessus de la porte latérale, dans une attitude de profonde réflexion – peut-être même de désarroi.

Nous avons entendu dans la première lecture combien il a été en butte à la contradiction. C’est le lot de tout prophète, mais le prophète Jérémie exprime sa souffrance de prophète de manière très touchante. Juste avant le passage que nous venons d’entendre, il dit : « À longueur de journée je suis exposé à la raillerie, tout le monde se moque de moi. Chaque fois que j’ai à dire la parole, je dois crier, je dois proclamer : "Violence et dévastation !" À longueur de journée, la parole du Seigneur attire sur moi l’insulte et la moquerie. Je me disais : "Je ne penserai plus à lui, je ne parlerai plus en son nom." »

Pourtant, au-delà de la souffrance, il exprime aussi sa certitude, comme nous l’avons entendu : « Mais le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable : mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront pas. Leur défaite les couvrira de honte, d’une confusion éternelle, inoubliable. »

Un prophète est nécessairement en décalage avec son temps. Il en a toujours été ainsi, et il en sera toujours ainsi. C’est d’ailleurs un signe des temps, un élément de discernement pour nous, aujourd’hui encore.

Si l’Église cherchait à être « inclusive » à toutes les réalités de ce monde, elle faillirait à sa mission. Car sa mission, comme celle des prophètes, est de parler de la part de Dieu, d’appeler les hommes à la conversion. C’est pourquoi elle est nécessairement en décalage avec le monde – et cela à toutes les époques.

L’Église n’est ni d’arrière garde ni d’avant-garde. Elle est d’éternité. Elle est de toujours. Si donc elle court pour essayer de rattraper le monde, pour changer en se conformant au monde, non seulement elle sera toujours en retard sur lui, mais elle manque à sa mission, qui est de refléter la lumière du Christ, de faire retentir dans ce monde les paroles de celui qui est la Parole éternelle, et qui a dit : « Mes paroles ne passeront pas » (Mt 24, 35).

Alors nous sommes un peu comme Jérémie. Pour sa génération, c’était un pessimiste. Il a d’ailleurs été condamné pour ce motif : « Que cet homme soit mis à mort : en parlant comme il le fait, il démoralise tout ce qui reste de combattant dans la ville, et toute la population. Ce n’est pas le bonheur du peuple qu’il cherche, mais son malheur » (Jr 38, 4).

En réalité, Jérémie ne faisait que parler au nom de Dieu, en demandant au peuple de se détourner de son péché – qu’il appelait par son nom. Or nous avons, nous aussi, cette mission, en tant que disciples de Jésus. Comme tout prophète, nous avons la mission de dénoncer le péché et de le combattre – d’abord en nous-mêmes, mais aussi autour de nous.

Et, inséparablement, nous avons aussi la mission d’annoncer l’espérance. Car Jérémie n’a pas été un « prophète de malheur ». Il a été sans concession sur le péché de son temps, mais il a aussi annoncé, dans l’une des plus belles pages de la bible, l’alliance nouvelle (cf. Jr 31, 31).

Nous avons donc à annoncer Jésus, Notre Seigneur, qui est en personne cette alliance nouvelle et éternelle, et par qui seul nous est donnée la grâce, ainsi que le dit saint Paul aujourd’hui : « si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ. »

Au sujet du prophète dans l’ancien testament, le cardinal Ratzinger écrivait ceci (ce qui est dit ici d’Israël peut l’être aujourd’hui de l’Église) : « Le gage de l’authenticité [du prophète], c’est qu’il se situe dans la droite ligne de la foi d'Israël et qu’il brandit cette foi de l’alliance des origines contre toute forme d’aggiornamento, sévèrement et sans concession. Le prophète n’agit donc pas en dehors d'Israël, au contraire, il fait apparaître le vrai visage d’Israël, tel qu’il se reflète dans la foi des Pères, contrairement à un Israël dégénéré, produit d’une mise au goût du jour arbitraire ; c’est de cette manière qu’il garde la foi d’Israël ouverte vers l’avenir. » [Joseph RATZINGER, Dogme et annonce, Parole et Silence, 2005, page 18]

Nous savons ce qu’il est advenu des prophètes : tous ont été persécutés. En envoyant ses apôtres en mission, Jésus les avertit. Ils sont des prophètes – en ce sens qu’ils doivent parler au nom de Jésus. Donc s’ils sont de vrais disciples de Jésus, ils seront persécutés. Et cela n’a pas changé !

Mais écoutons ce que Jésus leur dit aussi dans l’évangile de ce jour : « Ne craignez pas les hommes… Ne craignez pas ceux qui tuent le corps… Soyez sans crainte… » Tout disciple de Jésus doit être un prophète. Or la mission du prophète est belle. Car c’est Jésus qui nous envoie, pour proclamer l’espérance en la vie éternelle. Et il nous promet un soutien indéfectible, ainsi que la récompense éternelle : « Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. » C’est pourquoi nous pouvons être sans crainte.

Demandons la grâce, par l’intercession de la Vierge Marie, Reine des prophètes et Reine des apôtres, d’être de courageux disciples de Jésus, qui dénoncent le péché et tout ce qui s’oppose à Dieu, et qui annoncent l’espérance et la joie éternelle que seul Jésus peut donner.

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